Cest avec ces petits grains que jai passé des heures et des heures, les yeux « scotchés
» sur la loupe binoculaire à les observer, à les admirer et enfin à les trier afin de les identifier.
Ce sable dun rouge lie de vin nous offre des richesses insoupçonnées, des minéraux à foison.
Parmi eux, des grenats, des saphirs, des zircons, de la tourmaline, du quartz.... et puis un autre curieusement noir, opaque et poli, qui montre
un aspect vitreux à lintérieur. Quel est-il donc ?
Un minéral dont il nest question nulle part, pourquoi personne ne sest-il jamais intéressé à ces
magnifiques grains noirs ?
On me parle dobsidienne, ce qui me paraît bien peu probable puisque lobsidienne est une roche volcanique
(vitreuse et riche en silice), peu fréquente en France et encore moins sur les côtes atlantiques.
Devant cette grande incertitude, je me décide donc à envoyer quelques uns de ces petits grains à Jacques qui a accepté
de les analyser, avec laide de Nicolas Meisser.
Voici le compte-rendu de leurs analyses : merci à tous les deux.
Le pléonaste, une variété de spinelle ferrifère.
Analyse et article réalisés par Jacques Lapaire et Nicolas Meisser.
Sable collecté et trié par Pascalehh (2006 - 2009 - 2010 - 2011).
Mise en page : Pascalehh.
Introduction :
En avril 2011, nous recevions quelques grains tirés des sables de Brétignolles-sur-Mer, plage de la Parée,
Vendée - France.
Ces grains mystérieux avaient été catalogués par une arénophile sous « obsidienne », mais un doute
planait car aucune analyse navait été faite !
Observation préliminaire :
Aussitôt reçu, lun de nous (JL) a procédé à une observation minutieuse de léchantillon. La photo
ci-dessus nous montre laspect général de ces grains. Il sagit de grains usés, de couleur noire et opaques
à lœil.
Sous la binoculaire on distingue les grains corrodés. Sur un grain brisé, on voit une nette cassure conchoïdale, un éclat
vitreux et de fines bordures translucides.
Les grains ne montrent aucune face cristallographique reconnaissable, mais un angle rentrant pourrait être un vestige dune macle...
Essais simples (JL):
En essayant de casser un grain dans le mortier de porcelaine nous remarquons immédiatement la forte ténacité du
minéral. La cassure est qualifiée de conchoïdale. Réduit en poudre, le minéral donne une couleur très
légèrement verdâtre (cest aussi la couleur du trait) ; il reste de fines esquilles translucides, comme un verre.
Laimant au néodyme attire quelques grains, mais pas dans leur totalité.
Sans liquides de densité, nous ne pouvons estimer la densité, mais les grains rayent le verre donc la dureté excède 7.
Lacide chlorhydrique na aucune action immédiate sur la poudre, mais en 30 minutes, le réactif du fer (ferrocyanure de
potassium) donne une réponse positive. La perle de borax (élaborée avec 3 petits grains réduits en poudre) donne une
perle jaune à chaud et incolore à froid en flamme oxydante, mais la fusion savère difficile.
Première évaluation (JL) :
Couleur noire, opaque, présence de fer, cassure conchoïdale, éclat vitreux, poudre verdâtre, tenace, présence
de macle.
Une première recherche avec MINER nous donne une réponse de 24
minéraux possibles. Cest encore trop vague, aussi une analyse professionnelle simpose !
À ce stade il pourrait encore sagir dobsidienne si on fait abstraction de la couleur du trait et de la présence
dune macle, évidemment.
Analyse professionnelle :
Lun de nous (NM) a procédé à une étude, par une analyse par dispersion dénergie des rayons-X (EDS).
Un grain ayant un bon état de surface a été placé sous un microscope électronique à balayage de
manière strictement perpendiculaire au faisceau délectrons. Les rayons-X produits ont été analysés par
un spectromètre dénergie, et un dosage des éléments chimiques présents a été
effectué sur la base dune calibration préalable avec une série de standards. Compte tenu de la présence de
fer dans deux états de valence, les résultats après calculs ont conduit à établir la formule suivante pour le
grain étudié :
La formule exacte du grain analysé est la suivante :
(Mg0.6 Fe0.4)Σ1.0 (Al1.8 Fe0.1 Cr0.1)Σ2 O4
En simplifiant cette formule ainsi : (Mg,Fe)-Al2-O4, on remarque immédiatement quil sagit dun
spinelle ferrifère ou spinelle variété pléonaste.
Pourquoi MINER na t-il pas trouvé la solution ?
Le spinelle a un trait blanc, blanc-gris ou grisâtre, mais le terme « verdâtre » ne figure pas au fichier !
Le pléonaste étant une variété, seul le spinelle est présent dans
MINER, puisque les variétés
ne sont pas reconnues par lIMA et volontairement absentes du fichier.
Si on modifie un peu MINER en ajoutant le code « SABLE » et en
disant que le trait du spinelle (ferrifère) peut-être verdâtre, MINER fonctionne à merveille et répond quil
ny a plus que 2 minéraux possibles : le spinelle et laugite. Avec une dureté
supérieure à 7, seul le spinelle répond à la question. Nous voyons ainsi les limites dune telle base de
données.
Lobservation visuelle doit être parfaite et tous les termes, sans exception, doivent être encodés sinon la recherche ne
mène à rien. MINER sera modifié dans le cas du spinelle.
Conclusion :
Goujou (2002 ; pers. comm., juin 2011) confirme ne pas avoir analysé les grains de Brétignolles-sur-Mer dont la nature était problématique
(minéraux noirs et/ou opaques), finalement de peu dintérêt visuel selon lui. La découverte de spinelle ferrifère à Brétignolles-sur-Mer
semble donc inédite à ce jour ! Reste à savoir doù viennent ces spinelles ?
Lacroix (reprint 1977, tome IV page 304) signale quen Vendée « toutes ces roches (gabbros, norites à cordiérite) sont extrêmement
riches en grains et en octaèdres de pléonaste vert foncé ». Il signale dautres gisements en Ariège et en Haute-Loire.
Est-t-il possible que lérosion et le transport aient pu apporter ce minéral jusquen Vendée ?
Remerciements :
Bibliographie :
Les couleurs de Brétignolles (Microphotos de sable) |
Brétignolles tout en couleurs (Photos de plage) |